Landlocked surfing
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Albenga, Ventimiglia Novembre 2011

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Albenga, Ventimiglia Novembre 2011 Empty Albenga, Ventimiglia Novembre 2011

Message  HiddenUrchin Jeu 8 Déc - 13:38

The mission

Samedi 5 novembre 2011, il est environ une heure du matin quand Fred me rejoint chez Lüthi. La soirée du vendredi était plutôt ordinaire, avec bronzage de tête tranquille devant la PS3 du Bernois. La suite sera bien plus improbable, car j’ai une proposition indécente à faire à Fred.

Pour mieux situer le contexte, j’ai terminé le boulot vendredi à 18h à Genève, conduit jusqu’à Denges pour prendre ma mère avant de rouler jusqu’à la Chaux de Fonds pour un repas tous les trois avec mon père. Ensuite retour de la Chaux de Fonds vers 23h, donc au total à ce stade j’ai une grosse semaine de boulot dans les dents plus trois heures de conduite.

J’en arrive chez Romain, après quelques beds /bières, voilà Fred qui se ramène et qui daigne écouter ma proposition de mission. Je lui fais directement part de la grosse dépression qui a apporté du swell sur la quasi totalité des côtes italiennes en même temps (chose rare), et surtout de la dépression que je vais subir si on ne se rend pas sur place. Comme Fred est un âne j’ai bien pris le soin de mettre la carotte en avant, en lui faisant en premier lieu part des conditions du dernier trip à Levanto, de la tempête qui est sensé délivrer LE windswell de la saison, du fait que Lorenzo nous invite à rester chez lui, du 4x4 à dispo, et ce n’est qu’ensuite que je lui dit que tout cela serait certainement une très grosse bêtise. Le terme n’aurait pas été assez fort pour la plupart des personnes raisonnables, qui n’auraient pas tant décrit mon idée comme une petite bêtise, mais plutôt comme une grosse folie.

TOUTES les personnes qui avaient eu accès aux infos, TV ou autre, étaient impressionnées par les fortes inondations en Ligurie. Les autorités avaient déclaré l’état d’alerte et déconseillaient fortement à quiconque de vouloir se rendre dans le nord de l’Italie. But, eh, we’re stormriders, aren’t we ?
Les parents de Fred ne le prenaient pas au sérieux quand il leur expliquait que je comptais l’emmener au cœur de la catastrophe naturelle. Ma mère n’a pas vraiment réalisé quand je lui ai expliqué qu’en rentrant de la Chaux de Fonds je partirais peut-être « à la mer ». Elle sera un peu prise de panique lorsqu’elle comprendra par la suite.

Bref, retour chez Lüthi, je montre les charts à Fred et demande à Lorenzo si il faut un bateau plus qu’une voiture pour accéder à la Côte. Il paraît que les pluies sont torentielles, les routes très dangereuses et parfois fermées, mais que ça devrait être jouable. L’idée de base était de se coucher tôt et de partir vers les 5h du matin, sauf qu’on se bronze un peu trop la tête chez le bernois, des amies arrivent, on traîne, il est bientôt 2h du matin. A la longue, personne ne nous pense assez téméraires pour s’entêter à partir, jusqu’à ce que je prenne Fred à part. Je lui explique que nous avons une mission à remplir, que nous devons honorer notre statut de landlocked radicals surfers, que la med est pumping, tout en rappelant qu’accessoirement je me suis déchiré le ménisque il y a à peine une semaine de cela ! A ce stade dans nos têtes c’est mitigé, on a un peu peur et hésite à suivre la voie de la raison, mais l’idée de pouvoir scorer malgré tous les interdits pourrait faire de ce trip un des plus mémorables.

Je précise aussi à Fred que le mec chez qui nous devons aller dormir, je ne le connais pas vraiment, je l’ai rencontré sur une plage. Fred me répond, « ah tant mieux, comme ça si on ne périt pas dans les inondations, ils pourront nous voler nos organes ».

On finit par trancher, et décidons de nous mettre en route, contre les éléments, contre la raison, contre mon genou, contre l’avis de tout le monde, mais pas contre le surf. Par chance ma mère avait accepté de me prêter son 4x4 (avant de réaliser pourquoi, elle m’appellera le lendemain quelque peu paniquée « mais tu ne vas quand même pas aller dans ces inondations ? Il y a eu déjà huit morts !!! Mais !!!! Et ta jambe ??? Tu ne comptes quand même pas aller surfer ??? » MDR).

Bref, il est 3heures du mat, on part défier les éléments, on s’envoie deux traits pour tenir la nuit sans dormir et top départ.

La route n’était pas si terrible que ça, du moins pas pire que d’habitude. Cette fois il n’y a pas de tempête de neige au St-Bernard au moins. Par contre c’est vrai qu’il y a quand même de très fortes pluies sur l’autoroute en Italie, avec sections acquaplanning « off the lip » ! Mais pas vraiment pire de ce que nous avons eu lors des trips précédents. De toutes manières, lorsqu’on va surfer en Italie on s’attend presque toujours à un temps de merde. Par contre toutes les 30min une annonce radio nous rappelle qu’il ne faut surtout pas rouler en direction de Gênes (on ne fait pourtant que ça) et que l’état d’alerte est déclaré. A une sortie d’autoroute près nous aurions été bloqués, mais par chance nous avons pu rejoindre la côte en évitant les zones les plus sinistrées.
Avec du recul, on s’est dits avec Fred que si ni la radio ni les autres personnes ne nous avaient mis en garde contre ces inondations, au final on ne se serait rendus compte de rien vu qu’il pleut souvent quand les vagues sont là.

On arrive à Varazze. Startage d’un ènième bed, et je constate que la mer est super déchaînée. Des grosses barres de whitewash, puissantes, déferlent et empêchent tout accès au lineup. Je n’avais jamais vu l’endroit autant blown out, vraiment super messy et pas du tout inviting. Mais au moins il faut beaucoup plus chaud qu’en Suisse et nous avons survécu la route.

Lorenzo et son ami Ale ne se lèveront qu’à midi, mais sur leurs conseils avec Fred nous avons sillonnons la côte en recherche d’un spot wind protected. Nous devrons rouler un sacré bout, presque jusqu’à la frontière, pour trouver les premiers surfeurs à l’eau.
Au final il n’y a qu’à Ventimiglia, un endroit où la côte prend un tournant, que nous trouvons des vagues surfables. Moi je commence à flipper un peu, je boîte quand même pas mal, et commence à me dire que ça pourrait mal tourner si je venais à me blesser dans des eaux agitées. Mais peu importe, après des recherches approximatives, nous trouvons grâce aux indications de Lorenzo un spot au pur décor. Il nous avait dit que le spot se trouverait près d’une maison en ruine. Le problème est que la plupart des immeubles semblaient correspondre à sa description et au final nous avons trouvé un spot autre que celui qu’on devait scorer.
Il y a une quinzaine de surfeurs sur un peak gauche, en face d’une petite crique de cailloux dominée par un magnifique arbre, et la fameuse maison en ruine. Nous parquons à côté devant un hôtel dont la piscine donne directement sur la plage, et décidons d’aller scorer un empty peak, un peu moins consistant mais qui semble offrir plus de taille. Assez déconcertant de faire le surf check depuis la pisine d’un hôtel !

J’ai assez peur pour mon genou, mais peu importe je meurs d’envie de surfer. Je décide de tenter et de me rabattre sur la bodyboard si la douleur est trop forte. Le paddle out n’est pas vraiment gnarly, mais le shorebreak quand même puissant et surtout sur des gros cailloux. Fred se lance avec sa 6’0 et je pars avec mon 5’8’’juste derrière, avec un bon timing j’arrive au lineup les cheveux secs.
On observe. On tente de cracker le code. Je tente une gauche, mais direct au take-off je fais un mauvais mouvement et une grosse douleur traverse ma jambe. Ca commence très mal, car la douleur persiste et je me demande pourquoi je suis aussi con. Mais j’ai la flemme d’aller chercher la body, donc je me dis que faire juste un peu de paddling ne me fera pas de mal.
Evidemment au prochain set je résiste pas et je charge direct. Paf je score une gauche, timing parfait en appuyant bien sur mon nose pour que mon fish fasse un max du travail du take off sans moi, et je me lève juste au bon moment. Je suis bien sur mes appuis, aucune douleur cette fois-ci et même une très agréable sensation de glisse.

Je crie ma joie vers Fred, il esquisse un sourire et il charge. Mon genou chaud, je n’ai plus subi de désagréments durant les 3,5 heures de surf suivantes. Pas mal de monde vient checker depuis la plage, voire ce qu’on fait, apparemment ça intrigue qu’on score de notre côté. Un des visages me semble plus familier, mais vu que je n’ai pas vu Lorenzo depuis longtemps je fais juste un signe discret. Plus tard il me reconnaîtra et me fera de grands signes, pour nous faire comprendre qu’on se rejoindra plus tard et qu’ils vont partir surfer une autre spot.

Avec Fred nous scorons principalement des gauches, mais il y a des petites droites occasionnelles sur lesquelles on peut bien shredder.
On test plusieurs peaks, surtout deux qui sont près de bouées faisant office d’excellents landmarks. Certaines gauches sont plus longues, si longues que tu termines dans le shorebreak. Trop gourmands, tant Fred que moi se laissons parfois piéger, et les nose de nos planches en ont fait les frais. Lors d’une très bonne ride en particulier, j’avais pris assez de vitesse pour passer les sections et j’ai vraiment suivi jusqu’au bout. Ensuite je me suis fait rétamer dans les cailloux, avec une certaine violence. Il y a eu au moins trois impacts, ma planche se fracassait dans ce shorebreak et j’ai vraiment pensé qu’elle serait détruite. Mais moi aussi j’ai ramassé grave, après avoir cru à tort trouver l’équilibre sur ces cailloux une vague m’a envoyé droit dedans et je me suis fait traîner en avant/ en arrière dans l’impact zone pendant un moment. J’ai finit par évacuer en boitant sur la plage, si quelqu’un m’avait vu il serait probablement mort de rire.

Après un très court instant de répit sur la plage, j’ai vite rejoint Fred aux premières bouées et j’ai commencé à scorer grave, en tout cas autant que lui. C’était pas par rivalité, même si on ne fait que se pousser l’un l’autre, là c’était pour vaincre mon genou, dominer mon corps, et c’est grâce au secret que ça a marché dans une certaine mesure. Le vent offshore qui se lève ensuite nous pousse à rester et à scorer encore et encore.
A ce stade le trip était déjà amorti, mais nous devions encore rejoindre Lorenzo et Ale.

Morts de faims, on craque et s’envoie un des seuls Mc Do de Ligurie. Incroyable l’impopularité des junk foods en Italie, c’est l’heure de pointe en Suisse et là le Mc Do est déserté, on voit aussi qu’ils n’ont pas l’habitude de traiter les commandes rapidement.

Je me demande si on pourra bien s’entendre avec Lorenzo et son pote, si ils sont cools, si on devra se cacher pour fumer des beds. On les retrouve dans un super market, et en effet le courant passe direct. Lorenzo nous emmène dans la superbe propriété secondaire de ses parents située près d’albenga. La grande classe, on a droit à une jolie chambre et une douche chaude qui est la bienvenue après la pluie torrentielle qui nous a rincés jusque-là. Ale et super cool, c’est un gros fumeur de beds et il est très content de savoir que nous avons apporté des spécialités suisses ! On passera la soirée à raconter nos surftrips, à se bronzer la tête, à discuter équipement, projeter des voyages ensembles, boire bière sur bière.

Les charts pour le lendemains s’annoncent pas si mal, exténués par la nuit blanche précédente nous nous endormons pleins d’espoir pour la prochaine session.

Lorenzo nous emmène au spot que nous devions surfer la veille. Nous parquons dans les haut de Ventimiglia, au sommet d’une falaise surplombant un des plus beaux bords de mer de Ligurie. Nous avions repéré le spot de jour d’avant avec Fred, mais n’avions pas trouvé d’accès pour descendre. Grâce à Lorenzo nous découvrons le seul spot qui marche dans la zone, et le décor est vraiment bluffant. L’accès en lui-même est épique, je vois des lignes puissantes rentrer et dérouler en belles gauches.

Fred est le premier à l’eau, il est seul car les deux surfeurs qui étaient là quand nous descendions sortent de l’eau quand nous arrivons. Le paddle out n’est pas si aisé, j’ai dû poser une bonne dizaine de ducks et le courant est assez fort. Malgré mon genou je manage le premier take off et me fais instantanément hooter par Lorenzo. Puis arrivent des locaux, très sympas pour la plupart sauf un petit orgueilleux, celui qui est au top du pecking order, qui me dévisage avec mépris jusqu’à ce que je finisse par le saluer et qu’il me dise en italien « finalement, tu t’es décidé à me dire bonjour !». Ce n’était par impolitesse de ma part, j’étais juste trop concentré sur les vagues et apparemment lui voulait surtout marquer son territoire sur ce spot magnifique. Il donnera aussi le stink eye à Fred qui ne comprendra pas tout ce qui se passe.

Le lineup se densifie quelque peu mais je continue d’avoir mon quota de set waves et passe une session d’enfer. Le banc de sable dans l’inside est assez shallow et quand les vagues arrivent dessus elles ferment d’un seul coup violemment. Principalement des gauches, dans l’ensemble difficile de lire l’océan car messy par moments, mais en gardant patience et en tenant position près des peaks c’est gavé bien. Vers la fin de la session j’ai pu me gérer une droite près de l’inside et failli être gratifié par un cover up après un late take off.

Comme c’est l’anniversaire du père de Fred et que nous devons être de retour en Suisse vers 19h30, on surf une longue session puis remontons aux voitures. Lorenzo et Ale resteront encore un jour et auront des conditions très clean à Andora puis à Varazze. Pour notre part la mission est accomplie et nous rentrons victorieux, stoked and surfed out, en Suisse. Une sacré surf trip derrière nous, le sentiment d’avoir bien fait de braver les interdits réchauffe nos cœurs.
HiddenUrchin
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